Les films de l'écrivain-peintre Hugo Claus
Hugo Claus (o1929) est l'écrivain le plus connu en Flandre. Il a effectué sa percée internationale, comme on dit, grâce aux diverses traductions de son roman Het Verdriet van België (Le chagrin des Belges). Hugo Claus: peintre et dessinateur expressif et maniériste, enfant de Cobra ayant suivi l'exemple de Pierre Alechinsky, Karel Appel, Corneille, Asger Jorn et d'autres encore. Hugo Claus: réalisateur, jusqu'ici, de quatre longs métrages flamands: De Vijanden (Les ennemis), Vrijdag (Vendredi, jour de liberté), De Leeuw van Vlaanderen (Le Lion de Flandre) et Het Sacrament (Le Sacrement). De plus, Claus est le scénariste de près de la moitié des (meilleurs) films flamands.
Bref, Hugo Claus est tout à la fois écrivain, poète, peintre et cinéaste. Et pour employer le mot de Christian Dotremont, membre de Cobra: un ‘anti-spécialiste’. Hugo Claus est aussi un bon vivant qui apprécie pleinement les joies de la vie et relativise volontiers ses désagréments. En même temps, c'est un pessimiste cynique et mélancolique de tendance existentielle. Hugo Claus est donc un Belge pur-sang qui n'aime pas toujours être présenté comme tel.
Les innombrables journalistes qui ont un jour interviewé Claus le savent: c'est un réel plaisir de parler avec lui car les phrases qu'il prononce pourraient être imprimées sans une seule retouche, sans ajouter ni retrancher le moindre point ou la moindre virgule. En même temps, un entretien aussi ‘professionnel’ est une très grande source de frustrations: Claus dit ce qu'il veut, à qui il veut, il badine, manipule, joue et ne se met pas à nu.
Cette longue introduction était nécessaire dans la mesure où il n'est pas possible de tracer un portrait de Hugo Claus cinéaste sans esquisser le reste de sa personnalité. Un phénomène de notre temps
‘La classification des disciplines artistiques en catégories est à mes yeux une chose malsaine’, déclarait Hugo Claus en janvier 1981 dans le mensuel flamand Film en Televisie. ‘Je veux m'exprimer en utilisant tous les moyens disponibles (...). C'est pourquoi je peins et j'écris des romans, des pièces de théâtre et des poèmes. Si je n'étais pas trop fainéant, je sculpterais, et si je n'étais pas trop balourd, je danserais...’.
Mais pourquoi le cinéma? ‘Le cinéma est un phénomène de notre temps. Cela vous permet de communiquer avec beaucoup de gens à la fois, mais cela vous oblige aussi à mettre beaucoup d'eau dans votre vin.
En écrivant des poèmes ou en peignant des tableaux, vous mettez peu d'eau dans votre vin, ou même pas du tout. Mais personne ne le remarque, car quelques dizaines de connaisseurs seulement achètent ces poèmes et ces peintures.
Un livre qui connaît un certain succès est tout de même lu par quelques dizaines de milliers de personnes. Mais un film qui obtient les faveurs du public est vu par des centaines de milliers de spectateurs’.
Hugo Claus se soucie-t-il de cela? Comme tous ceux qui osent l'admettre, Hugo Claus a un besoin de reconnaissance et de respect qui est humain et sain, et ce besoin est de nature à la fois intellectuelle, affective et bien sûr aussi financière.
A-t-il réussi à satisfaire ce besoin grâce à ses films? Cette question ne manque pas de pertinence, mais elle n'est évidemment pas essentielle pour Claus. En fait, à ses yeux, le cinéma est le moyen d'expression le plus spectaculaire (au sens littéral du mot) et le plus généreux qui lui permette de satisfaire son besoin d'expression ‘à strates multiples’.