Le docteur Aloysius Demey (1794-1870)
Les sources d'eau chaude de Saint-Gervais, en Haute-Savoie, situées à 609 m d'altitude, dans la région du Mont Blanc, sont réputées pour leurs qualités médicinales dans le traitement de la goutte et des maladies de la peau.
Lorsqu'elles furent découvertes, en 1806, le propriétaire des terres où elles se situaient, le notaire J.-M. Gontard, en comprit immédiatement l'importance. Il y conçut un établissement de bains médicaux, qui, de 1815 à 1838, se développeraient au point de devenir le ‘Carlsbad des Alpes’. Ayant atteint l'âge de soixantequatorze ans - son entreprise représentant une charge trop lourde pour lui-, il vendit son établissement au médecin flamand Aloysius Demey, membre de la Faculté de médecine de Paris, qui, jusqu'à la fin de sa vie, consacrerait ses meilleures forces au développement du thermalisme à Saint-Gervais.
A la Bibliothèque nationale de Paris, il existe une Notice biographique sur le docteur A.F. De Mey, publiée en 1871 sans nom d'auteur; ces quarante-neuf pages constituent un long panégyrique du docteur Demey, qui, toutefois, s'avère peu fiable du point de vue historique.
Ce premier biographe fait naître le docteur Demey à Poperinghe (Flandre-Occidentale) en 1793 et écrit, à ce sujet: ‘De maison noble, ses parents avaient dû, pendant la tourmente révolutionnaire, quitter la France, leur patrie, et chercher un abri à l'étranger dans l'attente de jours meilleurs. Proscrit et ruiné, exposé à la misère, sans fortune et sans amis, son père en avait été réduit à se livrer à une profession industrielle pour subvenir aux besoins de sa famille’. La réalité est quelque peu différente.
Originaire de Roesbrugge, mais né à Dixmude
Sur la place du marché de Roesbrugge, un village modeste mais prospère à l'époque des Pays-Bas autrichiens (Belgique), situé sur l'Yser à proximité de la frontière française, habitaient Pieter Demey et son épouse Maria Uzeel, qui était originaire de Bergues (Flandre française). Demey était l'un des quatre bouchers indépendants de ce florissant bourg frontalier, d'où l'on pouvait se rendre quotidiennement à Ypres et à Dunkerque en diligence.
Mais Roesbrugge connut un triste sort à l'époque des guerres révolutionnaires françaises. Le matin du 18 septembre 1793, le général Dominique Vandamme de Cassel y fit barrer les rues par un groupe de cavaliers, fit battre tambour pour réunir les habitants sur la place du marché et donner lecture du jugement que la Convention nationale avait prononcé contre Roesbrugge sur base de sept accusations, parmi lesquelles la résistance et les sermons du curé local contre la République constituaient le délit principal. Selon ce jugement, le village entier devait être incendié sous les yeux des habitants, qui disposaient d'une heure pour prendre les biens les plus indispensables.
Les rues étant barrées par des soldats, nombre d'habitants s'enfuirent, par leur jardin, dans les champs et les prés et parvinrent ainsi jusqu'aux villages voisins, pendant que l'on mettait le feu à pas moins de deux cent quatre-vingt-huit maisons et à la papeterie de Roesbrugge, la seule de Flandre.
Pieter Demey s'enfuit avec son épouse enceinte et sa fille de quelques mois en longeant l'Yser, pour s'arrêter finalement à Dixmude, où naquit, le 23 avril 1794, un fils que l'on baptisa du nom d'Aloysius-Franciscus. C'était donc bien un enfant de réfugiés fuyant la violence guerrière!