genre. Teniers avait copié tous les tableaux de cette collection en petit format; par la suite, ces copies serviraient de base à plusieurs graveurs pour réaliser des estampes.
Teniers nourrissait de grandes ambitions sociales. Il s'est efforcé pendant des années de convaincre la bureaucratie espagnole qu'il avait droit à des armoiries, à un blason. Ce droit lui fut finalement accordé, mais on lui refusa un titre de noblesse. Rubens était le tuteur de sa première épouse, Anna Brueghel, et parmi ses commanditaires on trouve notamment Guillaume II d'Orange, Christine de Suède ou le duc d'York, le futur James II d'Angleterre. Il possédait des maisons dans plusieurs villes et un château à la campagne, et sa réputation aurait joué un rôle décisif lorsqu'il s'agissait d'obtenir l'assentiment du roi Philippe V pour créer une Académie des Beaux-Arts à Anvers.
C'est au xviiie siècle que son oeuvre connaîtrait le plus de succès. Denis Diderot, le principal critique d'art de l'époque, écrivit qu'il préférerait accrocher à ses murs un seul Teniers plutôt que dix Watteau. Watteau même ainsi que Gainsborough et Constable se ne privaient pas d'ailleurs de copier Teniers. Toutefois, si toutes les oeuvres exposées au musée d'Anvers sont de vrais Teniers - et Klinge affirme que c'est le cas -, cette exposition prouve que Louis XIV n'avait pas tout à fait tort lorsque, d'un péremptoire ‘Enlevez-moi ces magots’, il avait fait disparaître les tableaux de David Teniers le Jeune du palais de Versailles.
Avec des sujets tels que des ermites, des alchimistes, des fumeurs et des musiciens, des satyres avec des singes, la tentation de saint Antoine et les nombreuses noces villageoises, l'oeuvre de Teniers se situait dans la lignée de Pieter Brueghel (vers 1525-1569), Jeroen Bosch (vers 1453-1516) et Adriaen Brouwer (vers 1603-1638), mais le visiteui pouvait rapidement se rendre compte que le sentiment d'oppression, la révolte, la brutalité, la fantaisie débridée, l'ambiguïté
David Teniers le Jeune, ‘De roker’ (Le bon fumeur), panneau, 55 × 43, 1660, Musée J.-P. Pescatore, Luxembourg.
aussi, tellement caractéristiques des oeuvres de ses précurseurs et modèles, font défaut chez Teniers. Celui-ci peignait des tableaux sages et sereins, dépourvus de grossièretés et très pittoresques. Voilà qui explique probablement son grand succès et aussi pourquoi il tomba vite dans l'oubli.
‘Ce n'est qu'au cours de la seconde guerre mondiale que les chercheurs se sont rendu compte que les tableaux de genre comme ceux que peignait Teniers montrent plus qu'une parcelle de la réalité,’ dit encore Klinge. ‘Ils comportaient aussi un aspect allégorique et moralisateur. Mais il y a plus encore. Teniers était un impressionniste avant la lettre. Si Rubens préparait encore un arbre feuille après feuille, Teniers se contentait déjà de quelques coups de pinceau. Il s'était rendu compte qu'en peignant plus flou, il était mieux à même de saisir l'atmosphère vaporeuse qui entoure les choses. Il est tout aussi évident que Teniers ne représentait pas la réalité telle qu'elle était, que les paysans n'arpentaient pas leurs champs habillés de bourgeron bleus et de chausses roses, comme on le voit dans ses tableaux. Te-