Filip de Pillecyn 1891-1962
Filip de Pillecyn, qu'à une certaine époque l'on nomma ‘le prince de la prose flamande’ en raison de son style aristocratique et éthéré, naquit à Hamme (Flandre-Orientale) il y a un siècle. Il commença par écrire des oeuvres biographiques, consacrées à des figures de prêtres marginaux, et des essais, notamment quelques études remarquables sur les auteurs Hugo Verriest (1840-1922) et Stijn Streuvels (1871-1969). En 1926, il débuta comme prosateur avec Pieter Fardé, un récit d'aventures sur un franciscain gantois du xviie siècle. La nouvelle De rit (La promenade à cheval, 1927) se déroulait pendant la première guerre mondiale. Il apparut rapidement que De Pillecyn rejoignait le courant néoromantique des premières décennies du xxe siècle, dont Arthur van Schendel (1874-1946) fut le princìpal représentant dans les lettres néerlandaises.
La prose de De Pillecyn se développe dans une double direction: d'un côté le genre épique, de l'autre des oeuvres où prédomine l'atmosphère. Beaucoup de ses personnages sont des solitaires: frères mendiants, mercenaires - qui se font paysans ou inversement -, pèlerins ou châtelains. Il les situe dans le contexte d'un passé vaguement défini ou dans les paysages évasifs qui reflètent pour ainsi dire leur vie intérieure.
De Pillecyn atteint un premier sommet avec Blauwbaard (Barbe-Bleue,1931). Il fait vivre ce personnage mythique à la fin de l'époque bourguignonne, au xve siècle, et le décharge progressivement des actes horribles que l'on lui attribue généralement. Le protagoniste est une nature inquiète qui se purifie au contact des saisons changeantes et finalement se sacrifie pour un garçon qu'il aime. De soldaat Johan (Le soldat Jean,1939), qui sert Charles le Téméraire, également xve siècle, renonce à la vie de soldat pour une existence sûre et paysible de paysan et de père de famille, mais il quitte régulièrement ses terres pour prendre la défense des droits de son peuple exploité. L'oeuvre de De Pillecyn acquiert de la sorte une dimension symbolique et sociale.
Entre-temps, il publia aussi trois nouvelles: Monsieur Hawarden (1935), Schaduwen (Ombres, 1937), De aanwezigheid (La présence, 1938) ainsi que le roman Hans van Malmédy (1935), tous baignés d'une atmosphère mélancolique, automnale, presque irréelle, et qui témoignent de sa maîtrise stylistique. C'est surtout Monsieur Hawarden, porté à l'écran par le cinéaste flamand Harry Kümel (o1940), qui devint très célèbre. Cette nouvelle se fonde sur l'histoire réelle, datant des années 1850, d'une Parisienne déçue par la vie qui, s'habillant en homme, vient passer les dernières années de sa vie au pays de l'Eifel, dans la région de Malmédy.
Après la deuxième guerre mondiale, De Pillecyn écrivit encore quelques romans et nouvelles qui n'atteignent pas toujours le même niveau. Son oeuvre majeure de cette époque est Mensen achter den dijk (Les hommes derrière la digue, 1949), une évocation de sa région natale, le paysage de l'Escaut et de la Durme, à l'époque des luttes scolaires et des émeutes sociales de la fin du xixe siècle. Le regard amer