allaient occuper de grandes parties de l'ancien empire des tsars.
C'est un livre aussi passionnant qu'amusant, dans lequel l'auteur se retourne non sans ironie sur son propre passé mouvementé; certes le livre d'un agitateur politique, mais avec une bonne dose de jazz, d'amour et d'humour. On a parfois l'impression que l'enregistrement d'un solo de trompette ‘jubilante’ dans Who's sorry now, lui tenait plus à coeur que son travail à L'Internationale, l'organe de la Section néerlandaise. Mais il y a également ses tribulations journalistiques, car en 1962, il entra à l'hebdomadaire de gauche Vrij Nederland, journal autrefois illégal, mais rien moins que trotskyste.
On rencontre des personnalités curieuses dans ce livre, de vieux socialistes blanchis sous le harnois, mais également son arrièregrand-père maternel, Jerme Os, un juif qui gagnait sa vie comme marchand-fripier à Zwolle. Ou bien encore ce rédacteur en chef de l'hebdomadaire, qui était incapable de survivre sans son ‘bôl’, prononciation particulière de ‘borrel’, comme on appelle un verre de genièvre aux Pays-Bas. Le livre donne une image extrêmement vivante des années agitées d'Amsterdam vues non par un simple observateur, mais par quelqu'un qui y avait lui-même pris part. Amis comme ennemis sont dépeints en portraits rapides, souvent brillants.
Au début des années 70, il quitte le mouvement trotskyste, tout en demeurant captivé par la personnalité et les qualités littéraires de Trotsky. Il en fut de même pour Sal Santen qui, tout comme Raptis, avait fait une année de prison pour l'affaire algérienne. Il se détacha lui aussi à cette époque de la Quatrième internationale, et devint un écrivain renommé.
Le livre suivant de Cornelissen fut un roman,
De zender van Polk (L'Émetteur de Polk, 1987), roman dans lequel entrent maints éléments autobiographiques. On retrouve en tout cas beaucoup de l'auteur dans le personnage princi-
Igor Cornelissen (o1935) (Photo Bert Nienhuis).
pal, Ernst Stempher: comme lui, c'est un journaliste d'hebdomadaire doté d'un penchant obstiné à dénouer les énigmes du passé.
Pendant la guerre, les Allemands avaient mis en service un émetteur de propagande spécialement dirigé sur l'Angleterre. Le responsable des émissions était le fils d'un lord, membre de la Chambre haute. Son élocution affectée l'avait fait surnommer ‘Lord Haw-Haw’ par les Anglais. Mais il était aussi question d'un émetteur qui se serait trouvé à Amsterdam avec comme indicatif le slogan ‘Hitler is O.K.’. Quel pouvait bien être cet émetteur? Était-ce encore un émetteur allemand ou s'agissait-il de quelque chose de tout à fait différent? Comme les chevaliers du Moyen Age en quête du Graal ou de l'échiquier volant, Stempher traque l'émetteur fantôme. Il trouve la solution, mais le drame humain sous-jacent rend son récit impubliable dans son journal.
Son second roman, De brieven van Colijn (Les lettres de Colijn, 1988), a lui aussi le caractère d'une ‘queste’. Je place ce livre audessus des précédents parce que le petit monde dans lequel il se déroule donne une impression d'absolue authenticité. Stempher évolue ici parmi les marchands de livres anciens d'Amsterdam, un milieu qui semble lui être familier.
Là aussi, il semble hanté par le désir d'éclaircir un mystère pratiquement oublié jusqu'alors. Un homme politique calviniste des années d'avant-guerre, Hendrik Colijn (1869-1944), plusieurs fois Premier ministre, avait, peu après l'invasion allemande, eu des contacts avec Arnold Meijer (1905-1965), le chef du Front national, mouvement fasciste. Il ne s'agit pas là d'une fiction, mais d'un fait historique. A cette époque, Colijn aurait écrit quelques lettres à Meijer. Ces lettres furent vendues après la guerre dans le Oudeman huispoort, un passage obscur proche