Septentrion. Jaargang 20
(1991)– [tijdschrift] Septentrion–Hugo Claus chez les Anglo-SaxonsLe Flamand Hugo Claus (o1929), appartient-il au petit club sélect des écrivains connus et appréciés internationalement? Maintenant qu'une traduction en anglais de son Verdriet van België est bien accueillie de l'autre côté de la Manche et de l'océan Atlantique, on peut se poser sérieusement cette question. ![]() Lorsque ce volumineux roman est paru en français, sous le titre Le chagrin des Belges, Septentrion a, en 1985, écrit tout ce qui pouvait s'écrire de meilleur, sur la traduction et le préambule d'Alain van CrugtenGa naar eind(1). Celle-ci était si excellente, en effet, que ce dernier a reçu en même temps, le prix de traduction du Gouvernement belge et le prix Martinus Nijhoff néerlandais. Het verdriet est donc aussi disponible en anglais sous le titre The Sorrow of Belgium, dans une traduction d'Arnold J. Pomerans et il est clair que la plupart des critiques anglo-saxons lui sont acquis. Seule la critique du The Sunday Telegraph n'a pas apprécié l'explicité et la faconde de Claus. Elle a trouvé le roman beaucoup trop long et plein de répétitions ennuyeuses et n'a pas été du tout d'accord avec l'avis du journal Le Monde qui pensait que le livre avait tout pour devenir un classique. The Sunday Telegraph est l'exception qui confirme la régle, car la liste des éloges est impressionnante et comprend des noms prestigieux tels que The New York Times et The Times Literary Supplement. Naturellement, le traducteur a joué un rôle crucial dans tout ceci. Arnold Pomerans, encore plus que Van Crugten, se trouvait devant un travail presque impossible. Alors que ce dernier pour Le Chagrin pouvait, dans une certaine mesure, trouver dans les tournures particulières du français de Belgique et du français bruxellois, de quoi suivre aussi souplement que possible le langage si varié de Claus, Pomerans, pour son travail en anglais, n'avait rien à sa disposition qui pût un tant soit peu répondre à la finesse socio-linguistique dont l'original est entrelardé. Pour faire comprendre à un Britannique et plus encore à un lecteur américain toutes les situations, les événements et les expressions typiquement flamandes, il aurait fallu surcharger l'ouvrage d'un appareil de notes impressionnant ou les expliquer dans le texte. Aucune des deux solutions n'aurait permis une lecture aisée et le traducteur, à plusieurs reprises, a préféré passer sous silence de telles nuances. La conséquence inéluctable en est une certaine platitude de la version anglaise. Un petit exemple parmi une foule d'autres, permettra de mieux comprendre. Dans un des plus courts mais des plus pénibles passages du roman, où le père hors de ses gonds, criant et suppliant tour à tour, demande à la mère une explication sur sa relation extraconjugale, et la conjure ‘wij zijn toch kameraden?’ (‘On est tout de même amis?’...) sur quoi la mè- | |
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re répond, - avec tout ce que cela signifie de routine et de train - train pour le public flamand, car ce pèlerinage est vieux de plus de 60 ans -: ‘Van in de tijd van de IJzerbedevaart’ (‘Oui du temps du pèlerinage de l'Yser’; même la très fidèle traduction française a édulcoré quelque peu le sens de l'expression et a éliminé ‘van in de tijd’ (‘Du temps’)... ‘oui, du pèlerinage de l'Yser’. L'anglais suggère ici, à tort, que l'adultère avait eu lieu du temps (des années auparavant) de ce pèlerinage. ‘It was during the Yser pilgrimage’ - ‘C'était pendant le pèlerinage de l'Yser’, et passe complètement à côté de la connotation d'ennui mortel dans les relations entre le père et la mère. Néanmoins (et malgré les 603 pages) The Sorrow of Belgium a été bien accueilli. Ce qui prouve que le nivellement du langage laisse suffisamment de place au plaisir littéraire - surtout du fait de la structure spéciale en mosaïque et de la constante ironie terre à terre... pour persuader le lecteur anglo-saxon. ■ Jan Deloof (Tr. M.-A. Bourel) |
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