phénomènes qui entraînerait des implications utiles invérifiables empiriquement par des méthodes scientifiques. Dans les années 50, Apostel est très impliqué dans ce courant. De plus, il s'avère un logicien talentueux. Aussi n'estil pas étonnant qu'il compte, avec E.W. Beth d'Amsterdam, parmi les représentants continentaux qui auront la possibilité, comme les Américains et les Anglais (J. Urmson, B. Williams, G. Ryle, P.F. Strawson, W.V. Quine, J. Auston et R. Hare), non seulement d'introduire en France cette philosophie particulière, mais aussi de confronter celle-ci et d'autres courants tels que la philosophie dialectique et la phénoménologie, lesquels sont opposés à plusieurs égards à la philosophie analytique. Ce débat bénéficia également de l'apport de philosophes continentaux tels que J. Wahl, E. Weil, F. Alquié, L. Goldmann, H. van Breda et M. Merleau-Ponty. Il est heureux que toutes ces conférences et autres contributions aient été ensuite publiées (cf. La philosophie analytique, Paris, Éditions de Minuit, 19902). Il faut toutefois déplorer que la réunion suivante de Royaumont, consacrée à la philosophie dialectique et à l'importance de la pensée marxiste, n'ait pas donné lieu à une semblable publication. Les débats qui s'y tinrent, - et qui furent plutôt des polémiques et des querelles fratricides -, entre notamment Lucien Goldmann, Henri Lefebvre, Roger Garaudy et de nombreux autres partisans de l'idéologie marxiste se déroulèrent avec beaucoup moins de bienveillance et de courtoisie. Leo Apostel a publié son texte, intitulé Matérialisme dialectique et
méthode scientifique dans la revue belge Le socialisme (vol. VII, no 4, 1960). Cet essai a par ailleurs été édité en version néerlandaise, italienne et espagnole.
Dans les milieux philosophiques francophones, Leo Apostel n'a tout d'abord pas cherché à nouer des liens avec ces personnalités médiatisées que sont Jean-Paul Sartre ou, plus tard, Michel Foucault et Jacques Derrida. En effet, la phénoménologie, l'existentialisme ou le structuralisme n'éveillèrent pas son intérêt. Dans le domaine de la recherche interdisciplinaire, où la logique et l'épistémologie sont les points de départ qui permettent d'acquérir plus de connaissances sur le monde et sur l'homme qui construit le monde et l'habite, le philosophe flamand a tenté de s'inspirer, - et ce en France donc -, de collègues logiciens tels que le Suisse Jean-Blaise Grize, le Français Jules Vuillemin, qui avait également publié, avant de s'occuper de logique et d'épistémologie, des textes intéressants sur le travail et la mort, et l'anthropologue Serge Moscovici, auteur notamment de La société contre nature (Paris, 10/18, Union générale d'éditions, 1972), sans oublier, bien entendu, les Belges Samuel Issman et Jean Ladrière, avec qui Apostel crée en 1954 Logique et Analyse, une revue spécialisée qui se veut un espace de discussion et qui contient aujourd'hui encore des contributions intéressantes, ni Ilya Prigogine et Isabelle Stengers, dont les différents ouvrages, La nouvelle Alliance, métamorphose de la science (Paris, Gallimard, 1979) et Entre le temps et l'éternité (Paris, Fayard, 1988), ont contribué à vulgariser le renouveau scientifique.
Le dynamisme de Leo Apostel ne s'est pas manifesté exclusivement dans le domaine scientifique et philosophique. En effet, Apostel acquit de plus en plus, au fil des années, la conviction que la recherche doit servir une cause et qu'il convient donc de créer des structures et des organisations susceptibles de donner à la science et à la philosophie une pertinence sociale et historique. Dans cette perspective, l'enseignement universitaire revêt une extrême importance. C'est précisément pour cette raison que Leo Apostel prit au début des années 60 une série d'initiatives. En collaboration avec ses collègues Lucien Deconinck (1909-1988), biologiste et Jaap Kruithof (o1929), moraliste, il crée la section de science éthique et forme le projet de mettre sur pied, dans le cadre d'une éventuelle réforme universitaire, un centre de recherches interdisciplinaires. La première de ces initiatives produit encore ses effets aujourd'hui. Elle a permis de répondre dès le départ aux besoins et aux espoirs exprimés par le lobby laïciste flamand qui aspirait à ce qu'il y ait des professeurs de morale non confessionnelle formés à l'université. Le second projet ne bénéficia pas du tout de ce soutien idéologique et politique et fut dès lors jugé trop ambitieux, étant au premier chef un projet philosophique. Apostel voulait en effet que collaborent les différentes facultés universitaires.