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Le Collège d'Europe, pionnier de l'éducation européenne
Cadre général
Le Collège d'Europe de Bruges est l'institut postuniversitaire d'études européennes le plus ancien et le plus original du point de vue de sa conception et de ses objectifs. Créé en 1949, il offre à de jeunes diplômés la possibilité de se spécialiser pendant une année académique dans tous les aspects de l'intégration européenne. Les cours, donnés en anglais et en français, constituent un complément appréciable aux études suivies au pays d'origine. La proximité du siège des institutions européennes qu'est Bruxelles confère au programme des cours une dimension supplémentaire axée sur la pratique de la coopération européenne. La formule de séjour communautaire permet largement aux étudiants d'apprendre à mieux connaître le pays, la culture et les coutumes de chacun, ce qui favorise par ailleurs l'épanouissement d'un climat de solidarité et d'amitié au sein du collège. Ce climat particulier - et caractéristique du Collège d'Europe - contribue en même temps au développement d'une vision harmonieuse de l'avenir de l'Europe. L'établissement de l'institut à Bruges est également garant d'un entourage européen et culturel parfait. Compte tenu des possibilités offertes, la formation que propose le collège constitue un excellent point de départ pour une carrière professionnelle internationale. De plus, le corps des anciens étudiants forme un intéressant réseau de contacts amicaux et professionnels pour la vie. Depuis sa création, le Collège d'Europe, dont le rectorat est établi au 11, Dyver, a accueilli plus de 3 300 étudiants, originaires
non seulement des douze États membres de la Communauté économique européenne mais du monde entier. Au cours de l'année d'étude 1990-91, 240 étudiants résidaient à Bruges.
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Origines
La création du Collège d'Europe remonte aux lendemains de la deuxième guerre mondiale. Une proposition visant à créer un Centre culturel européen fut déjà discutée, à la suite d'une idée lancée par le publiciste suisse Denis de Rougemont, lors du Congrès de l'Europe tenu à La Haye du 7 au 10 mai 1948. Le centre aurait pour mission principale d'exprimer la conscience européenne indépendamment de toute ingérence gouvernementale. Un groupe de travail chargé de l'élaboration de la proposition fut institué au sein du Mouvement européen.
Le concept du centre fut développé conformément à la formule qu'envisageait l'écrivain, historien, philosophe, diplomate et homme d'État espagnol Salvador de Madariaga: un centre de formation européen où de jeunes diplômés cohabitent dans le cadre d'un collège. Ainsi fut ouverte la voie à la création d'un institut postuniversitaire doté du nom de Collège d'Europe qui accueillerait annuellement, pour la durée d'une année académique de huit mois, des étudiants provenant de tous les pays européens. Ces étudiants disposeraient de bourses d'études octroyées par leurs gouvernements respectifs et logeraient ensemble dans un bâtiment que la ville de Bruges mettrait à leur disposition.
L'implantation du collège à Bruges est due à une initiative du père capucin Karel Jozef Verleye (o1920). Participant au Congrès de l'Europe de 1948, Verleye prenait prétexte de cette proposition visant à créer le Centre culturel européen pour combiner cette initiative avec des projets de construction d'un palais des congrès dont il était question à Bruges. Après une concertation soutenue entre la municipalité de Bruges et la section culturelle internationale du Mouvement européen, Verleye réussit à faire de Bruges le lieu d'établissement du nouvel institut.
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Hendrik Brugmans (o1906).
La séance d'inauguration du Collège d'Europe se déroula le 20 septembre 1949 dans la salle gothique de l'hôtel de ville de Bruges. Le premier programme de ladite session préparatoire s'étalait sur trois semaines en tout et, en cette période d'après-guerre, offrait à 22 étudiants participants une occasion unique de réfléchir à l'avenir de l'Europe. La première année proprement dite commença le 12 octobre 1950. Entretemps, l'historien, homme de lettres, résistant et politicien néerlandais Hendrik Brugmans (o1906), président de l'Union des fédéralistes européens, qui avait également assisté au Congrès de La Haye, avait été nommé recteur du Collège d'Europe.
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Fonctionnement et cadre académique
C'est l'intégration dans le cadre des Communautés européennes qui occupe la place centrale dans le programme des cours du Collège d'Europe. A cet égard, les étudiants peuvent choisir entre trois orientations principales: le droit, l'économie et les études administratives. En fonction de ce choix, une approche universelle et approfondie permet d'acquérir une excellente compréhension de l'état des choses pour ce qui regarde la coopération communautaire et politique existante, et les perspectives de réalisation d'une Union politique européenne à côté d'une Union économique et communautaire retiennent tout particulièrement l'attention. En plus de cette base, la formation comporte également un volet pluridisciplinaire, que les étudiants peuvent composer eux-mêmes pour une large part, en choisissant parmi divers sujets variés tels que la problématique des droits de l'homme, la coopération atlantique et la sécurité, les rapports avec les pays d'Europe centrale et de l'Europe de l'Est, les relations avec les États-Unis, le Japon et d'autres pays industrialisés, la
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coopération au développement et ainsi de suite.
En règle générale, les cours se donnent en petit comité: groupes de travail ou séminaires. Les étudiants sont ainsi davantage associés à l'enseignement. Les cours ex cathedra sont plutôt rares. Des jeux de simulation portant sur des questions d'actualité européennes ou internationales sont organisés régulièrement. Les étudiants préparent également plusieurs dissertations sur des sujets de recherche. Les cours se donnent en français et en anglais. L'étudiant ayant suivi les cours et réussi les examens y afférents reçoit le ‘diplôme de hautes études européennes’. Celui qui a en outre effectué de la recherche scientifique ayant abouti à un mémoire entre en ligne de compte pour le ‘diplôme d'études européennes approfondies’.
Chacune des trois orientations principales est dirigée par un directeur des études, assisté d'un certain nombre d'assistants. Le corps des maîtres de conférences se compose globalement pour un tiers de professeurs d'université, pour un tiers de fonctionnaires des institutions des Communautés européennes et pour un tiers de praticiens. Pratiquement tous les maîtres de conférences sont des professeurs invités. Les assistants des trois orientations principales, qui ont un statut permanent, assurent les contacts quotidiens avec les étudiants.
La proximité des institutions européennes établies à Bruxelles - la Commission, le Conseil des ministres et le Parlement européen - confèrent au programme d'étude une dimension importante axée sur la pratique. Il a déjà été dit que nombre des maîtres de conférences du collège sont des fonctionnaires qui travaillent dans l'une ou l'autre des institutions. Leur apport familiarise les étudiants avec le traitement de problèmes européens actuels ainsi qu'avec le fonctionnement des Communautés européennes en tant qu'organisation supranationale. Toutefois, le collège reçoit en outre régulièrement la visite d'autres personnalités de Bruxelles, tels que des membres des représentations permanentes des États membres, des représentants d'autres ambassades, d'organisations non gouvernementales, d'organisations professionnelles et d'entreprises, qui y donnent une conférence ou animent des réunions de discussion. Toutes ces expériences contribuent à la préparation d'une carrière internationale.
De 22 lors de la première année académique, le nombre d'étudiants s'est constamment accru et s'élevait à 240 pour l'année 1990-91. La sélection des candidats se fait au niveau national et est opérée par les sections nationales du Mouvement européen. Les gouvernements respectifs, nationaux mais parfois aussi régionaux, mettent des bourses d'études à la disposition des étudiants pour le séjour à Bruges. En tout, le Collège d'Europe a accueilli jusqu'à présent plus de 3 300 étudiants. La plupart d'entre eux sont des ressortissants des États membres des Communautés européennes: la Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, la Grèce, la France, l'Irlande, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni. Bon nombre sont cependant originaires d'autres régions, à savoir: les pays de l'Association européenne de libre échange (la Norvège, la Suède, la Finlande, l'Autriche, la Suisse et l'Islande), les États-Unis, l'Europe centrale et l'Europe de l'Est, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Australie, le Canada et l'Amérique du Sud. Initialement, les étudiants résidaient dans un immeuble de la rue Saint-Jacques, l'actuel hôtel Navarra. L'extension du nombre d'étudiants a également nécessité une plus grande capacité au niveau du logement. Au cours de l'année 1990-91, les 240 étudiants étaient répartis en six résidences. Le nombre
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de personnes désireuses de suivre les cours du Collège d'Europe ne cessant de croître, on n'exagère pas en disant que le Collège d'Europe peut se féliciter d'un intérêt mondial.
L'atmosphère dans laquelle les étudiants vivent et travaillent ensemble constitue un autre aspect spécifique et particulier du séjour à Bruges. Vivre ensemble en petit groupe pendant une année académique dans une résidence contribue à créer un lien et un sentiment de solidarité particuliers. Comme nous l'avons déjà signalé, c'est Salvador de Madariaga qui était partisan du principe de la vie ‘en communauté’. C'est cependant Hendrik Brugmans, le premier recteur du Collège d'Europe de 1950 à 1972, qui a su le concrétiser avec grand succès. Cette caractéristique d'une vie en commun intense au contact de ces différentes nationalités et de ces mentalités spécifiques des étudiants constitue une richesse de cultures et de conceptions donnant lieu à des discussions ouvertes sur nombre de questions politiques et sociales et à l'organisation de manifestations communes. L'origine et les conceptions personnelles des étudiants sont également un stimulant pour le développement d'une vue commune de l'avenir de l'Europe. En outre, la ville de Bruges, petite mais unique pour ce qui est des richesses urbaines et du patrimoine culturel, incarne, en tant que lieu d'établissement du collège, un entourage européen par excellence.
Le lien de solidarité né au cours d'une année de vie en commun est durable et se trouve souvent à l'origine d'amitiés pour la vie. Cet aspect du séjour à Bruges, qu'a plus particulièrement développé et renforcé le recteur Brugmans, est probablement la caractéristique la plus originale, qui fait précisément la différence avec le séjour dans d'autres institutions académiques comparables.
Dans sa recherche d'une réponse appropriée à l'intérêt déjà signalé et toujours croissant que suscite le programme des cours qu'il propose, le Collège d'Europe a vécu un processus de croissance. Il était clair qu'il ne pouvait se soustraire à cette demande croissante. Consciente de ce qu'une extension du nombre d'étudiants à accueillir annuellement risquait de porter quelque préjudice à d'autres valeurs telles que l'atmosphère de la véritable vie de collège, la direction du Collège d'Europe ne pouvait se permettre de ne pas relever ce défi. C'est surtout Jerzy Lukaszewski, un universitaire polonais, ayant bénéficié d'une formation en Europe et en Amérique, attaché depuis 1961 au Collège d'Europe, dont il fut le recteur de 1972 à 1990, qui s'est efforcé de mener à bien cette inéluctable extension de manière telle qu'elle ne compromette pas les caractéristiques propres au collège.
Lukaszewski a aussi considérablement renforcé la réputation du collège vers l'extérieur, et notamment en direction du monde non universitaire. Ainsi il convient de louer ses efforts visant à convaincre tous les ans une personnalité européenne éminente de venir prononcer un discours à Bruges à l'occasion de l'ouverture de l'année académique, ce que firent notamment Ruud Lubbers, premier ministre des Pays-Bas, Felipe Gonzales, premier ministre de l'Espagne, Margaret Thatcher, ancien premier ministre de la Grande-Bretagne, François Mitterrand, président de la République française, et Richard von Weizsäcker, président de la République fédérale d'Allemagne.
Le Collège d'Europe est doté d'une structure de droit privé. Depuis septembre 1990, Werner Ungerer, ancien étudiant et ancien président de l'Association des anciens étudiants du Collège d'Europe, dont la carrière professionnelle s'est déroulée dans le cadre du service diplomatique allemand, récemment en qualité de représentant
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Le Collège d'Europe, Dyver 11 à Bruges.
permanent de la République fédérale d'Allemagne auprès des Communautés européennes, en est le nouveau recteur. Le collège est dirigé par un conseil d'administration au sein duquel sont représentés, outre un certain nombre d'autorités belges et du collège, des gouvernements individuels ainsi que les anciens étudiants. Le conseil d'administration est présidé actuellement par Manuel Marin, ancien étudiant et l'un des deux membres espagnols de la Commission européenne. Le programme des cours est élaboré par le conseil académique, qui se réunit sous la présidence du recteur. Les principaux financiers du Collège d'Europe sont les autorités belges centrales et régionales ainsi que la Commission des Communautés européennes. Des gouvernements individuels assurent le financement de bourses d'études et accordent en outre une contribution financière, fût-elle modeste, au collège. Enfin, une partie des frais est à la charge d'étudiants qui étudient au collège pour leur propre compte.
En plus du programme de cours annuel, le Collège d'Europe organise encore bon nombre d'autres activités. Signalons à titre d'exemple les annuelles ‘Semaines de Bruges’, un colloque de trois jours consacré à un thème d'actualité européen, auquel participe toujours un nombre considérable de personnalités éminentes, ainsi que des cours destinés à des fonctionnaires nouvellement en service auprès des institutions européennes à Bruxelles. Le collège édite aussi des publications concernant l'unification européenne; une cinquantaine de titres ont paru depuis sa création. Il dispose d'une des bibliothèques les plus importantes dans le domaine de la coopération européenne. Raccordée à bon nombre de banques de données européennes, elle est devenue aussi un centre de documentation spécialisé de premier plan.
Les anciens étudiants du Collège d'Europe se trouvent à tous les niveaux de la société, et ce dans le monde entier, vu leur origine géographique. Nombreux sont ceux qui font carrière dans
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les administrations nationales (services diplomatiques et autres services publics), des organisations européennes ou internationales, l'enseignement scientifique, les professions libérales ou les entreprises. Phénomène remarquable, peu d'entre eux sont devenus des hommes politiques. On en dénombre beaucoup parmi les fonctionnaires des institutions européennes à Bruxelles, à Luxembourg et à Strasbourg. L'importance de leur présence ne doit pas être sousestimée. En effet, le facteur commun d'‘avoir été à Bruges’ crée un lien de solidarité qui a pour résultat que, de quelque nationalité que l'on soit, des contacts au sein de l'administration européenne s'en trouvent considérablement facilités.
Une Association des anciens étudiants du Collège d'Europe a été créée, qui fait office de canal de communication avec le collège et publie périodiquement un bulletin d'information à cet effet. Elle organise annuellement une réunion à Bruges à la Pentecôte. Elle s'efforce aussi de favoriser l'organisation, de temps à autre, de soirées de discussion ou de manifestations culturelles par des anciens étudiants dans des groupes régionaux. Plusieurs de ces cercles régionaux se sont entre-temps constitués.
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Institut unique
Ainsi naît l'image d'un institut modeste mais important, créé dans les années difficiles de l'après-guerre en vue de permettre à de jeunes universitaires de contribuer à la reconstruction de l'Europe. Grâce aux nombreuses nationalités représentées, à la spécificité de vivre et de travailler en collectivité, à la qualité de l'enseignement et à la proximité des institutions européennes, le collège est devenu un institut unique en son genre, qui entend que ses étudiants acquièrent une compréhension du fonctionnement de la coopération européenne la plus complète possible et surtout axée sur la pratique.
Plusieurs autres instituts à programme postuniversitaire dans le domaine des études européennes ont été mis sur pied depuis la création du Collège d'Europe. Compte tenu du besoin considérable d'experts en matière de coopération européenne, c'est une bonne chose. Toutefois, l'existence de ces autres instituts n'enlève rien au fait que la formule du Collège d'Europe de Bruges - la vie en commun de plusieurs nationalités; une formation orientée vers la pratique - demeure originale et attrayante.
Le besoin d'un institut tel que le Collège d'Europe se fera ressentir au plus haut point à l'avenir également. Bien qu'il déploie ses activités depuis plus de quarante ans déjà, la coopération européenne n'en est, en réalité, qu'au début de son développement. Compte tenu des changements intervenus en Europe depuis la fin de 1989 et de la mise en marche - à la mi-décembre 1990 - des deux Conférences intergouvernementales consacrées à l'Union économique et monétaire d'une part et à l'Union européenne politique d'autre part, le travail encore à réaliser est considérable. Nous avons dès lors toute raison de croire que le Collège d'Europe est appelé à poursuivre ses activités pendant une deuxième période de quarante ans.
Pour les étudiants, l'année passée à Bruges constitue un séjour inoubliable. Pour les États et les organisations internationales, le Collège d'Europe fournit une réserve riche et attrayante de fonctionnaires ayant bénéficié d'une excellente formation et aux convictions européennes prononcées, dans laquelle ils peuvent puiser à loisir. L'existence et la persistance de cet institut précieux profitent, tout bien considéré, à tout un chacun. ■
jaap w. de zwaan
Conseiller juridique auprès du ‘Ministerie van Buitenlandse Zaken’ à La Haye.
Adresse: Ruychrocklaan 62, NL-2597 EP Den Haag.
Traduit du néerlandais par Willy Devos.
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