tation, quelque évident que soit leur aspect, elles observent pour ainsi dire une part de réserve par rapport à leur contexte, à leur environnement. Il est vrai, toutefois, que Beel est devenu moins brutal, plus discret, plus astucieux dans l'expression architecturale de cette réserve. Vue depuis la route, la maison jumelée Nijs (1987), dans la campagne d'Anzegem (dans la région de Courtrai), par exemple, apparaît, résolument campée dans le paysage, telle une ferme. Il s'agit de deux habitations superposées, le rez-de-chaussée, érigé en brique bleue, constitue un socle pour l'habitation blanche au-dessus. Ce n'est qu'en y regardant de plus près que l'on se rend compte que les deux habitations sont coupées l'une de l'autre dans le sens de la longueur par une bande de verre: l'habitation blanche flotte au-dessus de son socle. Les terrasses respectives des deux habitations se trouvent de part et d'autre, ce qui donne l'impression qu'elles se mettront à glisser et à s'éloigner en sens opposé, fuyant leur emplacement dans les champs de Flandre-Occidentale. Contrairement à la maison Van Pelt, il n'y a pas ici élément portant atteinte à l'autre. La ligne de coupe constitue une jointure, pas une blessure. Elle n'agresse aucunement le caractère compact de la construction mais, au contraire, lui confère pour ainsi dire l'énergie requise pour défixer l'entropie et maintenir les éléments réunis en ce lieu. Ayant à remodeler de fond en comble le siège provincial du Spaarkrediet
(Crédit d'épargne) un immeuble situé place du Théâtre à Bruges, Beel adopte une attitude similaire, mais cette fois dans un contexte urbain. Que Beel y ait réussi précisément à Bruges doit être considéré comme une preuve de sa perspicacité. Bruges est, en effet, une ville médiévale bien conservée au charme envoûtant, qui, en général, aurait plutôt tendance à paralyser quelque peu les architectes. L'architecture contemporaine dans les murs de cette ville s'épuise en des flatteries à l'adresse du génie brugeois mais ne parvient, dans la plupart des cas, à proposer à la ville que des caricatures maladroites d'elle-même. Beel, quant à lui, observe une juste distance à l'égard dudit génie et, à nouveau, détache discrètement son architecture de son contexte. Il découpe un cadre dans la paroi de la place, se réservant ainsi un espace libre pour son architecture. Dans ce cadre, entouré de pierre de taille polie noire, se profile, comme une invite, le spectacle de l'espace intérieur: une chorégraphie virtuose d'éléments architecturaux conduisant le visiteur d'abord à la filiale de la banque, puis au hall central, aux bureaux et à la salle d'exposition. Les éléments architecturaux mêmes sont rigoureusement réduits à des entités indépendantes: paroi, écran, pan de comble. Ils ne se touchent pas, séparés qu'ils sont par des lames de verre sans raccord ou des devantures vigoureusement profilées. Cette architecture, pourtant, ne cherche pas à susciter une impression de dispersion. Au mépris des forces centrifuges, elle assemble les éléments, non pas en un contexte
tectonique, mais plutôt comme pour une danse.
C'est le visiteur qui apporte le mouvement: c'est le regard de celui-ci qui dirige la danse. Seul l'observateur pénétrant par la trouée de la place décèle en s'enfonçant dans toute la précision et le raffinement du jeu d'ensemble. Ce n'est pas pour rien que lors du travail de conception Beel a si fréquemment recours à des dessins perspectifs.