Septentrion. Jaargang 20
(1991)– [tijdschrift] Septentrion–
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apparaissant plus ‘comme objet’ mais ‘comme objet de discussion’: l'exposition est un cérémonial où l'agenceur joue les metteurs en scène. Dans la pratique muséale moderne, ce genre d'agenceur entend, avec l'aide d'un artiste et de l'atmosphère qui règne dans son atelier, présenter ‘un fragment de loeuvre vivante’, déclare Rudi Fuchs (o1940) du Haags Gemeentemuseum (Musée municipal de La Haye). Il s'agit d'‘une conversation autour des objets’. L'oeuvre de ‘Fortuyn-O'Brien’, dont, jusqu'au 3 novembre 1991 inclus, on pouvait voir un premier survol au Stedelijk Museum (Musée de la ville) d'Amsterdam, s'articule autour de la manière de disposer les oeuvres et sur leur façon de ‘fonctionner’. Il s'agit d'une recherche sur la situation d'exposition, sur sa mise en scène, et sur la méthode suivie par le maître d'oeuvre. Robert O'Brien (1951-1988) et Irene Fortuyn (o1959), soucieux d'échapper au culte de l'individu, se sont manifestés depuis 1983 ‘comme un logo désignant une mentalité’. Après la mort subite d'O'Brien, il y a quelques années, Irene Fortuyn a conservé ce logo ‘Fortuyn-O'Brien’. Comment nous comportonsnous face à l'art, et comment ‘fonctionne’ l'art, dans les parcs statuaires, à la maison, dans les musées, dans l'atelier? Faisant référence à Shakespeare (‘All the world's a stage, And all the men and women merely players.’) qui déclarait que le monde était un théâtre, ‘Fortuyn-O'Brien’ se demande qui est donc celui qui veille au bon déroulement de l'ensemble. Le visiteur d'exposition devient un acteur qui évolue dans les coulisses, entre les éléments mobiles d'une scène théâtrale. Bien des représentations artistiques sont des props, des bouche-trous, terme qu'utilise ‘Fortuyn-O'Brien’ en référence à leur/son oeuvre, laquelle selon eux/elle joue le même rôle que les accessoires au théâtre et dans un film. Qu'on le veuille ou![]()
‘Fortuyn-O'Brien, ‘Marblepublic '99’, 1991 (Photo Marco Sweering).
non, une oeuvre d'art ‘fonctionne’ dans bien des cas comme un accessoire dans un décor. Les sculptures renvoient souvent à des éléments de décor parfaitement reconnaissables, une chaise ou une croisée, ou une balustrade, voire des architectures de jardin. Mais elles ne sont plus fonctionnelles. Souvent ‘Fortuyn-O'Brien’ joue des contradictions dans ses sculptures: bidimensionnalité/tridimensionnalité, dedans/dehors, lumière/ombre, faisant ainsi de l'oeuvre une étude visuelle de données statuaires classiques comme la masse et le volume. Et c'est précisément parce que sont si importantes la situation d'exposition, l'entrée en scène de l'objet d'art, que ‘Fortuyn-O'Brien’ a également conçu le catalogue comme un objet d'art. Dans le catalogue de l'exposition, cinq maîtres d'oeuvre ont imaginé chacun un agencement des sculptures, élaboré par la suite à l'aide d'un ordinateur et réalisé dans le musée. Ce faisant, les maîtres d'oeuvre ont tous joué un rôle de metteur en scène, concevant une exposition à grand renfort d'objets d'art ou d'accessoires. Le projet rassemblait Pierluigi Tazzi, Lidewij Edelkoort, Arno Vriends, Wim Beeren en Claudia Gould. L'oeuvre et le catalogue de l'exposition de ‘Fortuyn-O'Brien’ rappellent le livret d'instructions que Louis XIV - le roi machine - écrivit pour la visite de son jardin de Uersailles. Les diverses scènes du jardin évoluaient en théâtre. Les visiteurs se voyaient imposer certains points de vue destinés à les impressionner. Louis XIV se faisait le metteur en scène de sa cour royale. Versailles devenait une exposition de sa puissance et de rituels de puissance. Pour ‘Fortuyn-O'Brien’, un musée - le théâtre des expositions - est ‘un espace mental’. Quel est le rôle de celui qui en conçoit l'agencement, et l'artiste peut-il vraiment abandonner cette responsabilité à un metteur en scène, à un facteur d'expositions? Quel est le rôle du public qui vient voir? Aussi l'oeuvre de ‘Fortuyn-O'Brien’ est-elle une réflexion, non seulement sur l'art, mais surtout sur l'art d'exposer. ■ Paul Depondt (Tr. J. Fermaut) |
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