Hella S. Haase (o1918).
las, à un livre traduit du néerlandais, et suscité les éloges de la critique,
Le Monde, l'hebdomadaire
Le Point, le mensuel
Lire ont salué sa parution comme un événement. C'est Christian Gules, du
Pont, qui résume en quelques mots l'opinion générale: ‘si vous ne devez lire qu'un livre,’ écrit-il dans le numéro du 10 août 1991, ‘lisez celui-là. C'est un grand roman. Il vous ensorcellera.’ Ce dernier mot vaut d'ailleurs à la romancière d'être qualifiée de ‘sorcière’ dans le titre de l'article!
En la forêt de longue attente est, comme l'annonce son soustitre, ‘le roman de Charles d'Orléans’. Dernier de nos grands poètes courtois, Charles d'Orléans est aujourd'hui un peu effacé par son contemporain François Villon; prince de la Maison de France, petit-fils de Charles v et père du roi Louis xii, il fut lui-même broyé dans les péripéties les plus sombres de la guerre de Cent Ans et son destin politique, qui eût pu être grand, brisé par une longue captivité anglaise, de la bataille d'Azincourt à 1440.
A travers son personnage, Hella S. Haasse évoque les fastes et les horreurs d'un siècle troublé. Dans un prologue et une première partie extrêmement animés, la romancière dépeint l'atmosphère extravagante et sinistre de la cour de Charles vi, le roi fou; elle démonte les intrigues ourdies par Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, et par la reine Isabeau elle fait des parents de Charles, la Milanaise Valentine Visconti et le prince Louis d'Orléans, des figures inoubliables. Si chaque page foisonne de vie, le roman n'en connaît pas moins quelques moments privilégiés d'intensité dramatique ou de beauté formelle: l'assassinat de Louis d'Orléans par les hommes de son cousin Jean sans Peur; le désastre d'Azincourt auquel le lecteur assiste littéralement par les yeux de Charles, avant de se sentir comme lui englué dans la boue ‘à côté de son cheval mort’; le rencontre de Dunois et de Joanne sur les bords de la Loire, en face d'Orléans assiégée par les Anglais; l'arrivée de Charles à Gravelines, de retour de captivité, et sa réconciliation avec son cousin Philippe le Bon. Toutes ces pages témoignent non seulement d'une remarquable érudition historique, mais aussi d'un don de ‘mise en scène’ et d'‘imagination’ au sens propre du mot, qui mérite d'être qualifié de visionnaire et que seuls égalent, sans doute, dans la littérature néerlandaise, certains romans de Simon Vestdijk (1898-1971).
En venant présenter son livre à l'Institut néerlandais de Paris au mois de juin 1991, Hella S. Haasse révéla qu'elle devait sa vocation de romancière ‘historique’ à la fascination qu'avait exercée sur elle, dès l'adolescence, ce xve siècle troublant et troublé, fascination nourrie par la lecture du Déclin du Moyen Age de Johan Huizinga (1872-1945). En la forêt de longue attente est donc le fruit d'une dizaine d'années de recherches, mais aussi - et c'est l'essentiel - de méditations et de rêveries. Dans l'avantpropos qu'elle a écrit spécialement pour l'édition française, l'auteur définit parfaitement la spécificité de sa création: ‘Il est indéniable qu'il existe une certaine affinité entre l'écrivain et la période historique ou les personnages auxquels il s'intéresse. Un roman - historique ou non - est toujours une projection de la réalité intérieure de son auteur à un moment donné de son existence. Cette façon d'aborder le sujet, Marguerite Yourcenar lui a donné un nom, la magie sympathique, puissance suggestive qui jaillit d'une complicité secrète, ce qui diffère de la pure connaissance historique ou d'une bonne intelligence de la psychologie.’
Et l'écrivain ajoute: ‘Plus que la peinture de l'aventure médiévale, j'ai voulu retracer ici la lente et souvent douloureuse évolution d'un être qui parvient, gràce à la découverte de la créativité, à rester fidèle à lui-même en dépit du rôle social que les circonstances l'obligent à assumer.’ C'est en effet à la figure du poète Charles d'Orléans, du prisonnier qui s'évade par la pensée, que va toute la simpathie de l'auteur. Citée ou évoquée, la poésie du ‘Livre de Pensée’ accompagne toute la seconde partie du roman; et les quelques apparitions - en forme de clin d'oeil - de François Villon concourent à renforcer cette présence poétique dans le livre. En la forêt de longue attente peut en effet se lire comme un hommage à la littérature, à la création, aux valeurs de l'esprit et de l'art, opposées et préférées à celles du pouvoir. C'est le sens que l'auteur a voulu donner à l'ultime et dramatique entrevue où Charles