Politique
Les inaptes au travail néerlandais rappellent les socialistes à l'ordre
Le gouvernement Lubbers semblait s'être montré malin, car c'est au beau milieu de l'été 1991, alors que la plupart des Néerlandais étaient en vacances, qu'il avait annoncé un réaménagement radical de l'État-providence, à savoir une forte baisse des allocations versées aux près d'un million d'inaptes au travail. Mais les choses prirent une tout autre tournure.
Le système généreux de la sécurité sociale néerlandaise, mis en place après la guerre, est contesté depuis un bon bout de temps. Le nombre d'inaptes au travail n'est nulle part ailleurs aussi élevé qu'aux Pays-Bas, ce que les politiciens attribuent entre autres aux allocations élevées. Les employeurs n'hésitent pas à se décharger des employés plus âgés qu'ils trouvent insuffisamment productifs par le biais de la WAO (Wettelijke arbeidsongeschiktheid - Inaptitude légale au travail). A cause de cette loi la situation semblait des plus incontrôlables. Mais ce n'était pas tout: l'indemnisation intégrale des absences pour cause de maladie, dont le nombre est en forte augmentation, le montant relativement élevé du salaire minimum, l'indexation des indemnisations sur les salaires, imposaient d'enrayer l'accroissement constant des allocations. C'est au niveau de la WAO que les problèmes étaient les plus urgents. A cause de la large utilisation qui en est faite, le premier ministre Lubbers déclara en 1990 que ‘les Pays-Bas sont malades’ et il lia son propre sort politique au non-dépassement du seuil d'un million d'inaptes au travail.
Dans une étude comparative sur ce point entre quatre pays (les États-Unis, l'Allemagne, la Suède et les Pays-Bas) le professeur américain Richard Burkhauser démontra, dans un article paru dans le journal NRC-Handelsblad, que les Pays-Bas comptent le nombre le plus élevé d'inaptes au travail: 152 sur 1000 actifs, contre 55 en Allemagne, 43 aux États-Unis et 78 en Suède. La maladie qui s'appelle inaptitude au travail n'est nulle part aussi virulente qu'aux Pays-Bas, conclut Burkhauser. Il indiqua également pourquoi il en est ainsi. Les allocations généreuses et les larges critères d'attribution sont directement responsables de l'augmentation. En outre, selon lui, la politique néerlandaise favorise insuffisamment la réadaptation et le maintien de l'employé sur le marché du travail.
Wim Kok (o1938), ministre des Finances aux Pays-Bas.
Pour la première fois de leur histoire, les sociaux-démocrates du PVDA (Partij van de Arbeid - Parti du travail) semblaient d'accord pour collaborer à la mise au point de certains aménagements. D'ailleurs depuis quelques années, le PVDA essaye, sans grand succès, de se défaire de son ancienne image de parti ouvrier. Beaucoup d'ouvriers ne se reconnaissent plus dans le PVDA. Ils le trouvent désuet et le considèrent comme un obstacle au développement d'une économie efficace. C'est précisément l'ancien leader syndical Wim Kok (o1938) qui en tant que ministre des Finances et leader des sociaux-démocrates formule ces critiques.
Mais le parti a insuffisamment tenu compte des perdants, ceux qui bénéficient des allocations. Tout l'été les plaintes ont afflué au parti. Celui-ci connaît maintenant la crise la plus grave de son existence, et certains pensent même qu'il a fait son temps. La grande masse des inaptes au travail a clairement fait comprendre au parti qu'il ne peut impunément, en un tournemain, annuler des droits acquis et, massivement ces gens l'ont obligé, au cours de l'été dernier, à changer de cap.
Le CDA (Christen-Democratisch Appel - Parti chrétien démocrate) a consenti à adapter les projets, car si, selon les sondages d'opinion, les pertes sont franchement dramatiques pour le PVDA, le CDA non plus n'a pas intérêt à provoquer une rupture avec le PVDA suivie d'une crise gouvernementale qui l'obligerait à défendre seul les projets incriminés. Les allocations des inaptes au travail diminueront donc moins que prévu. On tiendra davantage compte du passé professionnel de la personne qui échoue à la WAO. Par ailleurs, les employeurs qui envoient à tort quelqu'un en WAO écoperont de sévères amendes. ■
Paul van Velthoven
(Tr. Fl. Corbex-Buvens)