Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–
[pagina 86]
| |
PolitiqueL'Europe du futur: le tandem Daniel Cohn-Bendit - Guy VerhofstadtEn 2005, lorsque Guy Verhofstadt écrivit son manifeste Les États-Unis d'Europe, cela fit du bruit. Le livre fut édité dans de multiples langues et le Premier ministre belge de l'époque le présenta durant une tournée européenne dans les universités et les clubs de réflexion. Guy Verhofstadt (o 1953) y plaidait pour l'intégration au coeur d'un noyau dur européen des pays qui venaient d'adopter l'euro. Cette intégration devait même aller plus loin: la constitution d'un gouvernement socio-économique propre et une diplomatie commune. Les propositions de Verhofstadt ne furent jamais prises au sérieux par les cercles politiques les plus élevés. En ces temps, la fuite en avant n'était pas à l'ordre du jour. Les leaders européens pataugeaient avec une Constitution qui venait d'être repoussée dans des référendums en France et aux Pays-BasGa naar eind1; ils cherchaient une porte de sortie qui leur permettrait d'éviter un enlisement de la politique européenne. Ce fut le traité de Lisbonne. L'Europe se donna de nouvelles règles du jeu permettant ainsi au processus![]() Guy Verhofstadt (à droite) et Daniel Cohn-Bendit.
d'intégration de se poursuivre. Mais c'était tout sauf cette avancée quantique que Verhofstadt appelait de ses voeux. Le plaidoyer pour des États-Unis d'Europe, c'était Guy au pays des merveilles. Un exercice intellectuel d'une grande finesse, mais sans plus de pertinence que ça. Verhofstadt dans l'entretemps se retrouvait au Parlement européen, président du groupe des libéraux. Animé d'un enthousiasme inoxydable et à grands effets de manche, il continuait d'y plaider pour une Europe fédérale, s'attirant ainsi la sympathie des partisans d'une Europe encore plus forte et pour les diehards il demeurait un hot. Ceci dit, il paraissait, avec ses idées radicales, s'écarter du vrai débat. Et nous voilà quelques années plus tard et une crise européenne plus loin. Au plan économique, un renforcement de l'Union semble se préparer. Des décisions ont été prises quant à l'organisation européenne de la vigilance budgétaire, et la nécessité d'un nouveau traité pour une union plus ‘profonde’ et plus ‘vraie’ est ouvertement évoquée. Des propositions qui, il y a huit ans, provoquaient encore l'hilarité font aujourd'hui l'ordre du jour. L'heure est venue pour un nouveau livre, s'est dit Verhofstadt. Il a donc écrit, en collaboration avec Daniel Cohn-Bendit: Debout l'Europe! L'ouvrage se compose de deux parties: un manifeste et un entretien mené par le célèbre | |
[pagina 87]
| |
journaliste français Jean Quatremer avec les auteurs. Il y a trente ans, ces deux-là se bouffaient le nez: Verhofstadt comme Baby Thatcher et auteur de manifestes néolibéraux, Cohn-Bendit comme gauchiste patenté. Au Parlement européen, les deux hommes se retrouvèrent bientôt unis dans leur plaidoyer pour une Europe encore plus forte. L'ouvrage est plus vague que Les États-Unis d'Europe. Il rassemble pourtant une poignée de propositions très concrètes (telles ce plaidoyer pour la présence de héros européens sur les billets de banque) et il est clair que les auteurs s'y prononcent pour une politique économique et sociale commune. Si l'on veut sortir de la crise, l'échelon européen doit être radicalement renforcé. Sur le plan du contenu précis à donner à la politique économique et sociale il est clair que gauche et droite n'auront pas la même vision. Pour l'heure, ce qui compte ce sont les transferts de souveraineté des pays à l'Europe. Et ce qui ne va pas dans ce sens, c'est la montée du nationalisme. Des pages et des pages durant, le nationalisme est dépeint comme une idéologie dangereuse et dépassée. Les formes d'organisation du monde de demain seront, toujours selon Verhofstadt et Cohn-Bendit, plus importantes qu'aujourd'hui et multiculturelles plutôt que monoculturelles. Ils mettent ainsi certainement en évidence le cours de l'histoire: les petites entités géographiques sont devenues incapables de faire face seules aux défis qui s'annoncent. C'est d'ailleurs là l'essence même de l'Union européenne: des pays qui s'unissent pour prendre des décisions communes. Parce que c'est mieux et plus efficace pour l'économie, pour l'environnement, la protection du consommateur, etc. que de relever seul tous ces défis. Les auteurs estiment que les leaders actuels font par trop traîner les choses lors de leurs réunions au Conseil européen. Ils réclament un passage radical vers plus de pouvoir pour l'Europe. Pourtant, la réalité montre qu'une telle révolution ne peut se faire facilement. En fin de compte, le processus d'intégration européen implique pour les pays un abandon de souveraineté. Un processus difficile et d'autant plus ardu à faire comprendre aux électeurs. En définitive, il est vrai que l'Europe se renforce; et cela depuis soixante ans mais à tout petits pas et rarement avec enthousiasme. Elle gagne en puissance ‘à son corps défendant’ car dans le monde de demain les pays qui la composent ne compteront plus s'ils restent seuls et ils n'auront plus comme choix ultime que l'approche commune. Finalement ce sont les pays qui sont obligés de franchir le pas et d'abandonner leur souveraineté. C'est donc ce qu'ils font, avec hésitation, ce qui se comprend. Verhofstadt et Cohn-Bendit suggèrent que des catastrophes nous attendent si nous ne faisons pas ce grand pas en avant. Cela reste à voir. Le risque qu'une révolution éclate est bien mince. Pourtant, on ne peut pas dire qu'il ne se passe rien non plus. Le continent est englué, depuis maintenant trois ans, dans une crise européenne. L'Europe trébuche, bricole, bégaye. Pourtant, elle ne s'arrête pas et la boussole ne cesse d'indiquer la direction préconisée par Verhofstadt et Cohn-Bendit. Le cours que suit l'Europe est bel et bien celui que dépeint le livre, mais elle le fait en suivant le chemin de la progression graduelle et en s'aidant des crises au fur et à mesure qu'elles se présentent. Debout l'Europe! donne une image de ce à quoi l'Europe pourrait bien ressembler un jour. Un jour qui n'est pas encore pour demain. hendrik vos |
|