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Anna Bijns
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari
C'est bien d'être femme, mais mieux d'être chef.
Vous pucelles, vous veuves, retenez cette leçon:
Qu'aucune pour se marier ne se presse.
Sans homme, dit-on, il n'y a point d'honneur.
Mais que celle qui trouve à se nourrir, à se vêtir,
Ne se hâte point de se mettre sous le joug d'un homme.
Tel est mon conseil: soyez prudentes,
Car je le sais, pour l'avoir vu couramment:
Quand une femme se marie, même noble de sang,
Ou riche en biens, on lui met à la jambe
Une lourde entrave. Mais si elle reste seule
Et qu'elle sait demeurer honnête et pure,
Alors elle est femme et chef: la plus belle des vies!
Je ne méprise pas le mariage, mais néanmoins
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari.
Souvent jeunes filles fraîches deviennent femmes laides.
Pauvres coureuses, pauvres souillons, jeunes, vieilles, écoutez,
Ceci suffirait à me faire éviter le mariage, pour sûr.
Mais hélas, au moment d'épouser leurs maris,
Elles croient que l'amour ne se refroidira jamais.
Moins de six mois plus tard, elles le regretteront:
O, le fardeau du mariage est bien trop lourd!
Elles le savent bien, celles qui l'ont porté.
Une femme, par peur, fait bien du tapage,
Lorsque l'homme va par-ci par-là se distraire,
Jouer et boire de nuit comme de jour.
On l'entend se plaindre de s'y être laissé prendre.
Votre famille et vos amis ne pourront rien pour vous.
Écoutez donc mes mots et gardez-vous en bien:
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari.
Parfois aussi l'homme rentre, ivre et altier,
Alors que la femme s'est épuisée au travail,
Car il y a tant à faire pour mener son ménage.
Et si elle s'avise de dire trois mots,
Ce sont les coups de poing qui l'attendent.
Elle doit obéir à cette barrique pleine,
Qui ne sait faire que crier et hurler.
Ainsi vont les choses, malheur à celle qui les subit!
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Ongebonden best, weeldich wijf sonder man
Het es goet vrouwe sijn, maer veel beeter heere.
Ghij maegden, ghij weduen, onthoudt dees leere:
Niemandt hem tezeere om houwen en spoede.
Men seijdt: daer geen man en es, daer en es geen eere.
Maer die gecrijgen can cost en cleere,
Niet haest haer en keere onder eens mans roede.
Dit es mijnen raedt: weest op u hoede,
Want zoo ic bevroede, ic zie 't gemeene,
Als een vrouwe houdt, al es se eël van bloede,
Machtich van goede, zij crijcht aen haer beene
Eenen grooten worpriem. Maer blijft zij alleene
En zij haer reene en zuver gehouden can,
Zij es heere en vrouwe: beeter leven noeijt gheene!
Ic en acht niet cleene 't houwelijck, nochtan
Ongebonden best, weeldich wijf sonder man.
Proper meijskens werden wel leelijcke vrouwen.
Arm danten, arm slooren, hoordt jonck metten ouwen,
Dit sou mij doen schouwen 't houwelijck voorwaer.
Maer wachermen, als zij den man eerst trouwen,
Zij meijnen de liefde en mach niet vercouwen.
Dan ees 't hem berouwen eer een half jaer:
Och, het pack des houwelijcx es al te zwaer!
Zij weten 't claer, die 't hebben ghedraghen.
Een vrouwe maeckt door vreese menich mesbaer,
Als de man hier en daer gaet druck verjagen,
Drincken en speelen bij nachte, bij dagen.
Dan hoort men beclagen dat men 't oeijt began.
Dan en muegen u helpen vrienden oft magen.
Dus hoordt mijn gewagen en wacht er u van:
Ongebonden best, weeldich wijf zonder man.
Ooc compt de man somtijts droncken en prat,
Als d'wijf haer gewracht heeft moede en mat,
Want men moet al wat doen, sal men 't huijs bestieren.
Wilt zij dan eens rueren haer snatergat,
Zoo werdt sij geslagen met vuijsten plat.
Dat droncken vol vat moet se obedieren,
Dan doet hij niet dan kijven en tieren.
Dat sijn de manieren, wee haer die 't smaeckt!
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[Frans]
S'il va voir ailleurs les servantes de Vénus,
Dites-vous qu'on n'en est que mieux à la maison.
Vous pucelles, vous veuves, prenez langue,
Avant de vous mettre dans le même embarras.
Même si vous me contredisez sur tout,
Peu me chaut qui désapprouve, je maintiens:
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari.
Une femme sans mari doit se passer de son salaire,
Mais elle n'a pas non plus à se plier à ses désirs.
Et, je vous le dis, la liberté n'a pas de prix.
Elle échappe aux sermons, quand elle rentre ou sort.
Et même si elle doit vivre de son filage,
Toute seule elle dépense bien moins qu'à deux.
Une femme libre est jalousée partout.
Même si elle doit se passer des avantages d'un mari,
Elle est roi et reine dans son foyer.
Aller et venir librement, c'est un vrai plaisir.
Elle peut veiller ou dormir à sa guise,
Sans recevoir de reproches. Restez donc libres:
Il n'y a de plus grand regret que d'avoir perdu la liberté!
Femmes, vous toutes, même en tombant sur un bon Jean,
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari.
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Princesse
Aussi riche en biens que puisse être une femme,
Bien des hommes voient en elle une esclave.
Ouvrez l'oeil, quand ils vous couvrent de belles paroles,
Et ne les croyez pas trop vite, mais laissez les courir,
Car à mon sens, l'homme bon est un oiseau rare.
Ne faites pas attention aux cadeaux qu'ils vous apportent.
Une fois qu'une femme est prise dans leurs filets,
L'amour disparaît vite, nous le voyons souvent.
Par le mariage, plus d'une femme s'est laissé duper,
Et ce sont de lourds malheurs qu'elle doit ainsi supporter.
Ses biens sont gaspillés, le mari la persécute.
Ce n'est pas un jeu, c'est la pire des malédictions.
Parfois c'est pour l'argent, et non pour ses beaux yeux,
Que l'homme avait déployé tous ces efforts.
Bien mieux sans liens, heureuse la femme sans mari.
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[Nederlands]
Loopt hij dan elders bij Venus' camerieren,
Peijst wat blijder chieren men thuijs dan maeckt.
Ghij maegden, ghij weduwen, aen ander u spraeckt,
Eer ghij ooc gheraeckt in zelcken gespan.
Al waer 't dat ghij mij al contrarie spraeckt,
Mij en roeckt wie 't laeckt, ic blijv' er weer an:
Ongebonden best, weeldich wijf zonder man.
Een vrouwe ongehoudt moet derven 's mans gewin,
Zo en derf zij ooc niet wachten zijnen sin.
En, na mijn bekin, de vrijheijdt es veel weerdt.
Zij en werdt niet begresen, gaet sij uut oft in.
En al moeste zij leven op haer gespin,
Voorwaer veel te min zij alleen verteerdt.
Een ongebonden vrouwe werdt alom begeerdt.
Al ees 't dat se ontbeerdt eens mans profijt,
Zij es meester en vrouwe aen haren heerdt.
Te gane onverveerdt, dat 's een groot jolijt.
Zij mach slapen en waken na haren appetijt,
Zonder ijemandts verwijt. Blijft ongebonden dan:
De vrijheijt te verliesen, geen meerder spijt!
Vroukens, wie ghij sijt, al creeg dij eenen goeden Jan,
Ongebonden best, weeldich wijf zonder man.
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Princesse
Al es een vrouwe noch zo rijck van haven,
Veel mans die achten se als haer slaven.
Ziet toe, alse u laven met schoonen proloogen,
En gelooft niet soo saen, maer laet se draven,
Want mij dunckt, de goeij mans sijn witte raven.
Acht niet wat gaven zij u bringen voor oogen.
Alse een vrouwe hebben in 't nette getoogen,
Es liefde vervloogen, dit sien wij wel.
In 't houwen werdt menige vrouwe bedroogen,
Die moeten gedoogen groot zwaer gequel.
Haer goedt werdt verquist, de man valt haer fel.
't En es vrij geen spel, maer noeijt zwaerder ban.
't Es somtijts om 't geldeken en niet om 't vel,
Dat dezelcke zoo snel liep dat hij stan.
Ongebonden best, weeldich wijf zonder man.
Uit Meer zuurs dan zoets (2013).
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Tels sont les miracles que fait Luther
On ne peut croire aux saints que s'ils font des miracles:
Ceci est communément admis depuis toujours.
Et voilà que dans le tabernacle de Wittemberg,
Luther a été élevé au rang de saint.
Quels miracles fait-il donc, qu'a-t-il à offrir,
Pour que la nation voisine l'élève à ce point?
Mène-t-il une vie sévère et exemplaire?
Voyez donc quelle est sa sainte conversation:
Il fait scandale, provoque disputes et révoltes,
Il chasse la paix, le calme et l'entente.
Les saints ont réveillé les morts grâce à Dieu,
Renforçant la foi en la parole du Christ.
Mais sur ce nouveau saint on a appris le contraire,
Car à cause de lui du sang chrétien fut versé
Et des centaines de milliers de gens assassinés:
Tels sont les miracles que fait Luther. (...)
(...) Luther fait des miracles, je m'en porte témoin:
Ce qui était droit chez nous, le voilà qui le fausse.
Il nomme vice la vertu et même les sages
Les plus doctes sont rendus bêtes par lui,
Aveugles les voyants et les éloquents muets.
Ils ne veulent plus louer Dieu ou parler de confession,
Mais tous ses disciples - et sont-ils nombreux -
Savent très bien parler des défauts d'autrui.
Ils sont pleins de ragots, c'est un fait avéré,
Alors qu'eux-mêmes sont les plus galeuses des brebis.
Mais ils ne voient pas qu'ils pataugent dans la saleté,
À tel point leur patron les a-t-il aveuglés.
S'ils devaient parvenir à leurs fins,
Ils mettraient en commun tous les biens du monde.
Voyez donc, chrétiens, fidèles à la religion:
Tels sont les miracles que fait Luther. (...)
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Dit sijn de miraculen, die Luther doet
Men gelooft geen santen, si en doen miracule:
Dit woort is vanouts gesproken, gescreven.
En nu is Luther in de tabernacule
Te Wittenberge als groot sant verheven.
Wat miraculen doet hi, wat mach hi geven,
Dat hem dus verheft d'overlantsce natie?
Leyt hi een strange, exemplaer leven?
Merct hier sijn heylige conversatie:
Hi maect oploop, strijt, murmuratie,
Hi verjaecht paeys, vrede en accoort.
Santen verwecten doden duer Gods gracie,
Daer 't gelove duer gesterct wert en Cristus' woort.
Maer contrarie wert van desen sant gehoort,
Want duer hem wert vergoten 't cristenbloet
En menich hondertdusent mensen vermoort:
Dit sijn de miraculen, die Luther doet. (...)
(...) Luther werct wondere, ic ben 's orcondere:
Dat hier voortijts recht was, maect hi nu crom.
Duecht heet hi sonde ende ooc bisondere,
Wise, geleerde mannen maect hi dom,
Siende lien blint en welsprekende stom.
Gods lof oft biechte en willen si niet spreken,
Maer al sijn discipulen - dat 's meer dan som -
Connen wel couten van ander lien gebreken.
Si sijn vol achterklaps, 't heeft claer gebleken,
En 't sijn selve de scorfste scapen die men vint.
Maer si en sien den drec niet, daer se in steken,
So heeft haer patroon de oogen verblint.
Mochten si volbrengen, daer si toe sijn gesint,
Si maecten gemeene alder werelt goet.
Siet christenmenscen, die 't geloove bemint:
Dit sijn de miraculen die Luther doet. (...)
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[Frans]
(...) Il crée nombre de putains, nombre de brigands,
Car les moines et les soeurs sont paresseux et vicieux.
Ils manquent de tout: la faim les démoralise.
Ils ignorent comment travailler la terre
Et si le boulanger ne veut pas leur faire crédit,
Comme il faut bien manger, faute d'argent pour acheter,
Pour en avoir, ils se mettent à faire le mal!
Alors cette vermine en grand nombre
Dépouille le marchand, dérobe au paysan,
Met tout à feu et à sang et vole avec cruauté.
On finit par les voir ligotés ensemble,
L'un sur la roue, l'autre pendu.
Ils ont enfin reçu ce qu'ils méritaient
Et leurs pauvres âmes s'en vont droit en enfer.
Chacun pourra se dire, les joues baignées de larmes:
Tels sont les miracles que fait Luther. (...)
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[Nederlands]
(...) Hi maect veel hoeren, hi maect veel boeven,
Want muncken en nonnen sijn luy en lackere.
Hem gebreect van als: honger doet se bedroeven.
Si en connen niet ploegen in den ackere
En wilt hem dan niet borgen de backere,
Men moet eten, daer en is geen gelt om coopen:
Om crigen sijn si in quaetdoen wackere!
Dan gaet dit gespuys met grooten hoopen
Den coopman berooven, den lantman stroopen,
Moorden, branden, stelen niet om verstrangen.
Ten lesten siet men se t'samen knoopen,
d'Eene op een rat, d'ander gehangen:
Na haer wercken si ten eynde loon ontfanghen
En d'arm siele vaert licht bi 't helsche gebroet.
Elc mocht wel seggen met bescryden wangen:
Dit sijn de miraculen, die Luther doet. (...)
Uit Meer zuurs dan zoets (2013).
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