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Musique

Caro Emerald respire la joie: une diva mais sans les allures

Caroline Esmeralda van der Leeuw est née en 1981 et habite à Amsterdam, où dès son jeune âge elle a fait du chant son métier. En 2005, elle obtient son diplôme de jazz au conservatoire. Deux ans plus tard - elle gagne entre-temps sa vie comme chanteuse accompagnatrice et professeur de chant - elle chante une démo pour des amis producteurs: Back It Up. La démo se retrouve vite au placard, mais lors d'une apparition de Caroline en 2008 sur la chaîne télé amstellodamoise ATV, la demande commence à affluer. Le noyau créatif de Back It Up a gardé tout en main depuis le début. Grandmono est le nom de l'entreprise, du label et de l'orchestre pour lesquels la chanteuse a la double casquette d'employée et d'employeur. Le concept de la pop rétro glamour avec ses rythmes de danse qui mettent sous le feu des projecteurs une vamp aux allures des fifties est un succès immédiat.

En 2009, Back It Up se hisse au top du hitparade. Le CD Deleted Scenes from the Cutting Room Floor (2010) fait sensation et A Night Like This propulse le groupe sur les devants de la scène internationale. Jusqu'ici rien d'inédit, un pastiche qui remporte un succès fulgurant. Cependant, ‘la Emerald’ est bien plus que cela. Son style swing mélodieux fait partie de son système. ‘Tu me rends heureux’, proclame Jools Holland lorsqu'en 2010 Emerald chante Mad About The Boy dans son spectacle de fin d'année à la BBC. Dans sa robe de satin noir, ‘la Emerald’ resplendit telle une nouvelle Rita Hayworth, Ava Gardner ou Hedy Lamarr.

Pour le chapeau surdimensionné et la pose de la jaquette de The Shocking Miss Emerald (2013), le styliste s'est inspiré d'une photo glamour de Lamarr. Le titre est quant à lui emprunté au film The Shocking Miss Pilgrim (1947) avec Betty Grable dans un rôle atypique où on la voit monter au créneau pour l'émancipation de la femme au XIX^e siècle. La même idée sous-tend le jeu de Caro Emerald: ‘une femme moderne, intelligente qui

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Caro Emerald au Hampton Court Palace à Richmond upon Thames, photo A. Mouthaan.

joue qu'à une époque révolue elle arrive à forcer le succès par ses propres moyens’.

Le secret de la réussite, c'est la musique ellemême: mélange par moments brillant d'ingrédients happy glanés dans le réservoir inépuisable de l'histoire de la musique, synthèse originale de mille et une pièces de puzzle. C'est un plaisir pour le connaisseur que d'en identifier les ingrédients! Les origines antillaises d'Emerald (sa mère est originaire d'Aruba) reviennent dans les éléments latino tels un son de marimba, un rythme de mambo ou le bandonéon ressuscitant le tango (Tangled Up avec Carel Kraaijenhof). Le génie de David Scheurs et de Jan van Wieringen fait le reste en coupant, collant et ajustant des traits de piano de Duke Ellington, un son surf, un rythme oumpah, le Wall of Sound de Phil Spector, le disco, Prince, des clichés tirés de ballades ainsi que des effets de musique de film. Le tout réuni en un ensemble fluide soutenu par le timbre velouté d'Emerald. Les textes sont sans doute moins complexes, tout en faisant parfois sourire comme dans Liquid Lunch où Emerald attribue la raison de sa gueule de bois à la marque Martini qui avait intégré A Night Like This dans sa campagne de publicité en ligne.

Pour rappel: en 1955, la chanteuse américaine Julie London instaurait le standard de qualité du crooning intemporel avant l'ère du rock'n roll, l'expunk britannique Vic Godard réalisait en 1982 avec Subway Sect les Songs for Sale, le parfait album rétro surfant sur la vague de la pop synthé MTV. Aujourd'hui, Caro Emerald vient à point nommé pour redonner vie à une pop moribonde en recourant à une recette éprouvée: faire du neuf avec de l'ancien qui a marqué les mémoires en utilisant les moyens les plus avancés.

Le succès d'Emerald se lit comme un conte. Aux Pays-Bas, les spectacles de Caro Emerald se vendent à guichets fermés. Le 5 septembre 2013, elle a entamé sa première grande tournée européenne, qui début octobre l'a conduite pour quelques jours en France. À l'automne 2014, elle effectuera une vaste tournée en Grande-Bretagne, sa deuxième patrie. Caroline Esmeralda van der Leeuw n'hésite pas à faire une reprise d'Amy Winehouse ou d'Adele car c'est dans ces remakes qu'on mesure toutes les subtilités de son talent d'imitation.

Comblée de prix de toutes sortes et se produisant sur les scènes dont d'autres ne peuvent que rêver, Caro Emerald peut

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difficilement continuer à se surpasser. Et quand le vernis commence à se ternir, la phase suivante est souvent le circuit du musical, des casinos et des dîners-spectacles. Ainsi, pour faire durer le plaisir, l'entreprise Emerald se repose sur ses anciens lauriers en produisant des versions acoustiques, des remix, des versions dance, du merchandising et des applis. Et si maintenant la routine guettait au tournant? On peut être assuré que Caroline van der Leeuw, avec sa réputation déjà proverbiale de diva qui ne s'en donne pas les allures, a le mental voulu pour rebondir en toutes circonstances.

lutgard mutsaers
(tr. n. callens)
www.caroemerald.com