Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion–PolitiqueUn des pères du fédéralisme belge tire sa révérence: Wilfried Martens (1936-2013)L'ancien Premier ministre belge et président du Parti populaire européen Wilfried Martens est décédé dans la nuit du 9 au 10 octobre 2013, à l'âge de 77 ans. La fédéralisation de l'État belge, réalisée en grande partie sous son gouvernement, fait de lui un des principaux hommes politiques belges du XXe siècle. De 1979 à 1992, à l'exception d'un court intermède de près de huit mois, Wilfried Martens, pilier du Parti démocrate-chrétien flamand (aujourd'hui CD&V), avait dirigé l'exécutif belge. Sans expérience ministérielle préalable, il avait mené pas moins de neuf gouvernements de coalition, tantôt de centre droit, tantôt de centre gauche. Les Belges retiendront de lui une succession de réformes de l'État, scellant la structure fédérale de la Belgique moderne. Bien que son modèle ait été à plusieurs reprises revu ces dernières années - la dernière réforme des institutions est en cours sous l'égide du Premier ministre Elio di RupoGa naar eind1 - il peut légitimement être considéré comme un des pères du fédéralisme belge. C'est sous son gouvernement qu'en 1980 le pays s'est doté de deux Régions - flamande et wallonne, la Région Bruxelles-Capitale ne sera créée officiellement qu'en 1994 - reprenant à leur compte une série croissante de compétences jusqu'alors du ressort de l'État. Le pays traversait alors une période de tensions communautaires, apaisées temporairement par son action politique. De nombreux Belges se souviendront également des politiques d'austérité menées par ses gouvernements: la dette publique belge atteignait alors des niveaux considérables, qu'il s'est attaché à réduire. Cet effort se poursuit encore aujourd'hui après avoir été mené également, avec plus ou moins de force, par ses successeurs. Enfin, en 1990, un moment critique de sa carrière et inédit dans l'histoire belge a également marqué les consciences: la légalisation de l'avortement. Cette loi, votée par une majorité | |
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![]() Wilfried Martens (1936-2013).
alternative au Parlement (les démocrates-chrétiens y étant opposés), avait provoqué l'abdication momentanée du roi Baudouin. Avec la complicité constitutionnelle de son Premier ministre, le souverain avait été déclaré en ‘incapacité de régner’ trente-six heures durant, afin qu'il n'ait pas à signer une loi que sa conscience réprouvaitGa naar eind2. Avant même d'avoir quitté les plus hautes fonctions au sein du gouvernement belge, Wilfried Martens s'était jeté corps et âme dans un autre combat qui lui tenait à coeur, la construction européenne, en devenant dès 1990 l'omniprésent président du Parti populaire européen (PPE) qu'il avait cofondé en 1976. L'avant-veille de sa mort, il avait annoncé qu'il quittait ‘temporairement’ ses fonctions de président du PPE en raison de son état de santé. Parmi les innombrables réactions lors de l'annonce de son décès, signalons celle de l'actuel chef du gouvernement belge, Elio di Rupo. Celuici a déclaré que ‘la Belgique perd un de ses hommes politiques les plus éminents et un vrai homme d'État (...) Il fut un des pères de la Belgique fédérale. Européen convaincu, il poursuivra jusqu'au bout son engagement pour la réalisation de l'idéal européen. Un idéal de collaboration, de compréhension et de progrès. Ce sont ces qualités qui ont caractérisé l'action politique de Wilfried Martens tout au long de sa carrière’. Quant au président du Parlement européen, Martin Schulz, il a salué un ‘grand homme d'État belge, européen, et un leader exceptionnel au sein du Parlement de l'Union européenne’, ayant joué ‘un rôle énorme dans la réunification du continent’. Né dans une famille de petits agriculteurs, Wilfried Martens s'était initialement engagé en politique au service de l'émancipation flamande. Qualifié ‘d'intransigeant linguistique’ lorsqu'il présidait des associations d'étudiants flamingantes, il s'était très tôt prononcé en faveur d'un ‘fédéralisme d'union’ belge, fondé sur la loyauté des entités fédérées. Dans un entretien accordé à l'hebdomadaire flamand Knack quelques semaines avant sa mort, Wilfried Martens avait réitéré son engagement en faveur de la cause flamande, tout en réaffirmant son attachement à l'épanouissement de la Flandre dans le cadre belge et européen. En passant par la présidence du Parti démocrate-chrétien, son ascension jusqu'aux plus | |
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hauts échelons de l'État avait révélé le brillant tacticien: Martens avait coutume de s'entourer de personnalités flamandes et francophones aux intérêts souvent largement opposés, les laissait trouver une voie de compromis et reprenait ensuite la main pour imposer une certaine pacification communautaire. L'homme laisse derrière lui une femme, la ministre d'État Miet Smet, épousée en 2008 et issue comme lui du CD&V, et cinq enfants de deux mariages précédents. gerald de hemptinne |