tions oeillets) créées en 1947 dans toutes les provinces ainsi que dans les trois grandes villes du pays. Elle fonda également un certain nombre de prix culturels ‘haut de gamme’, dont le
Zilveren Anjer (l'OEillet d'argent) institué en 1950 et remis chaque année au lauréat par le prince Bernhard luimême.
Tout comme le Nationaal Instituut, la fondation situait ses activités dans un climat de sinistrose culturelle. Elle mettait en garde contre les menaces qui, selon elle, pesaient sur l'identité culturelle néerlandaise du fait de l'hégémonie exercée par les puissantes cultures des super-grands. Cette culture de masse, importée de l'étranger, tout aussi commerciale que superficielle, menaçait de supplanter l'authentique vie culturelle néerlandaise. La nouvelle ‘masse insaisissable’, issue du processus de modernisation, ne serait sans doute pas à même de résister aux séductions de la société de consommation. C'est précisément pour cette raison que la Fondation prince Bernhard se proposait de renforcer les capacités de résistance du peuple néerlandais en favorisant ‘l'activité culturelle autochtone’. Bon nombre de personnalités néerlandaises devaient apporter leur soutien à la réalisation de cet objectif.
Après sa reconstitution, en 1946, la Fondation prince Bernhard voulait continuer à préserver son indépendance à l'égard du pouvoir en faisant exclusivement appel à ‘la générosité collective du peuple néerlandais traditionnellement disposé à soutenir des actions culturelles’. Dans un premier temps on comptait, d'une part, sur les Anjercollectes (Collectes oeillets) organisées chaque année à l'occasion de l'anniversaire du prince Bernhard, et, d'autre part, sur des plans ambitieux visant à faire adhérer les entreprises néerlandaises au ‘Nouveau mécénat’. La fondation n'acquit toutefois une assise financière solide qu'au moment où elle se vit octroyer une part des revenus provenant des divers jeux de hasard nationaux (le loto sportif en 1960, la loterie nationale en 1970 et le loto en 1975). Ces dernières années, la fondation s'efforce de compléter ces revenus fixes par des dons faits par des Néerlandais fortunés ou d'autres donateurs privés.
Aux idées et projets conçus au cours des années 50, assez turbulentes sur le plan idéologique, allait se substituer un comportement beaucoup plus pragmatique, concrétisé jusque dans la politique subventionnelle, de plus en plus arrêtée en fonction de critères uniformes. Dès l'origine de la fondation on s'était mis d'accord sur la répartition des tâches: la fondation mère exercerait ses activités dans le domaine des sciences et des arts tandis que les sections locales (les Anjerfondsen) s'occuperaient des départements Formation populaire et Jeunesse. En 1956, la fondation conclut un accord de coopération avec la Fondation culturelle européenne, ajoutant à ses objectifs celui de ‘la promotion de la culture en Europe’. En 1960, elle élargit son champ d'action en y intégrant la sauvegarde du patrimoine architectural et la protection de l'environnement, secteurs auxquels elle devait consacrer des sommes substantielles à partir de 1975. Au cours des années 70, la fondation continuait à étendre son action, cette fois-ci au bénéfice de la création artistique d'avantgarde et contemporaine.
En raison de ce pragmatisme, la Fondation prince Bernhard s'est quelque peu éloignée, il est vrai, de ses objectifs initiaux pour s'investir davantage dans le culturel. Dans les premières années de son existence, la fondation se servait de la culture comme d'un instrument au service de la liberté et de l'union nationale. Après les années 50, des raisons d'ordre publicitaire et le souci de préserver la manne financière que lui prodiguaient les jeux de hasard, allaient, beaucoup plus que de simples considérations idéologiques, inciter la fondation à élargir ses objectifs. Au cours des années 80, la fondation s'est de plus en plus intéressée à des manifestations culturelles de haut niveau, attachant une importance croissante à des considérations d'ordre esthétique. Pour l'heure, la politique subventionnelle pratiquée par la fondation se caractérise par le désir de jouer un rôle actif dans la vie culturelle. La liberté d'action qu'elle continue de revendiquer s'exprime dans le flou délibéré du slogan lancé à l'occasion de l'année jubilaire. Pour la fondation, la cause est entendue depuis longtemps: il ne s'agit plus de contribuer au rayonnement des Pays-Bas mais, tout simplement, de promouvoir ‘la culture que j'aime’. Qui oserait s'en affliger? ■
Jacob Verheul
(Tr. U. Dewaele)